Philippe Caza
Ce matin, à 8 h 45, j’ai chié une pendule. (Raymond Queneau en avait avalé une, lui. C’était peut-être moi, en fait…) Ce n’était pas une horloge comtoise, heureusement, seulement une pendule, boîtier en laiton, socle en marbre, cadran jauni à chiffres romains. C’est passé assez facilement. Ce qui m’a étonné, c’est qu’elle était à l’heure : j’ai aussitôt vérifié à mon réveil-matin sur ma table de chevet, à ma montre toute neuve made in France, à mon téléphone en ligne, etc. Elle était même à l’heure d’été à laquelle nous étions passés depuis quelques jours. Après ces vérifications je suis retourné aux chiottes. Deux chiens en régule sur socle de marbre ont suivi. J’avais une garniture de cheminée complète.
Pourtant, on n’est pas forcé d’accepter tout ce qui nous est adressé, surtout en pleine confination. Par exemple, dans l’enveloppe, au courrier, il y avait un chat. Le chat ne m’aimait pas. J’ai essayé de le vendre aux puces, mais elles n’en ont pas voulu. Je l’ai foutu par la fenêtre du 5e. Il est retombé sur ses pattes et se les est cassées toutes les quatre. Au matin, les éboueurs l’ont ramassé. (Merci aux éboueurs qui font partie des « invisibles » qui restent au boulot.)
Ma chambre est toute embouquinée. (Comment en suis-je arrivé là ?) Je reste assis dans un bon fauteuil face à la bibliothèque, l’air de rien, mais tous mes neurones mobilisés. Quand les livres commencent à sortir de leur contexte, je suis prêt. Ils attaquent par petits groupes. Je brandis mon coupe-papier et je n’en épargne aucun. La bataille dure trois heures. Puis je décide de finir la soirée dans la resserre à légumes. J’emporte mon coupe-choux.