Fabrice Schurmans
dans un quadrilatère d’immeubles de huit étages
14/4 – Facebook et Twitter carburent aux fausses nouvelles et aux cris d’orfraie. Un journaliste fameux le clame : « C’est dingue de plonger le monde dans une récession pour une pandémie qui a tué moins de 100.000 personnes ». Il faut arrêter le confinement pour des raisons économiques. L’heure est grave. Ni les marchandises ni l’argent ne circulent plus. Le système va s’effondrer, avec de nouvelles tragédies, de nouveaux morts à la clé. Relançons la machine ! Il serait plus juste de dire que le système capitaliste risque de basculer. Car il y a bien circulation, de biens essentiels, de personnes travaillant pour le bien-être collectif, de solidarités. Ça circule moins, mais ça circule mieux. Utopie. On découvre le goût des produits frais en circuit court, on privilégie ce qui est à portée de main. Plus de marchandises disponibles 24 h sur 24, sept jours sur sept. Plus d’avions transportant des fraises hors saison. En réalité ? Amazon et Alibaba tournent à plein régime. La marchandise n’a donc pas tout à fait quitté le centre de l’économie capitaliste au profit de l’humain. Les thuriféraires de l’ordre en vigueur ont, cependant, saisi l’existence d’une menace. Des révolutions commencent parfois sur de simples constatations. L’humain prévaut sur le matériel. Si le système vacille, même pendant quelques mois, il ne s’effondrera pas. À moins que nous ne prenions conscience que le travail d’une caissière, d’un éboueur, d’une infirmière possède une valeur sociale autrement supérieure à celle d’un consultant, d’un trader, d’un fiscaliste permettant à ses clients d’éluder l’impôt. Le marché valorise (je ne suis pas assez optimiste pour risquer l’imparfait) des boulots inutiles, mais hautement lucratifs alors qu’il méprise symboliquement des emplois mal rémunérés, mais à haute valeur sociale. Dans le fond, si la situation ne peut plus durer, n’est-ce pas parce qu’elle expose l’inanité du système capitaliste de production et d’échange ? Que nous puissions vivre simplement, en voyageant moins, en consommant mieux, que nous refusions la compétition, les délocalisations, les fraises en hiver, les dividendes, la santé privatisée, cela effraie les cartels… C’est pour cela qu’ils répondront avec l’arsenal habituel : austérité, réformes structurelles, réduction des droits sociaux.