Fabrice Schurmans
dans un quadrilatère d’immeubles de huit étages
17/4 – Certains câbles lâchent après quelques semaines de confinement. Pas toujours où on les attend cependant. Deux membres du personnel académique d’une université flamande nourrissent une fable pour notre temps. Au beau milieu de la nuit, ils donnent un cours virtuel à une centaine d’étudiants. Enseigner à minuit ? Soit l’université exploite son personnel sans vergogne soit les compères outrepassent certaines règles. Ces adeptes d’une pédagogie alternative accompagnent le live de musique à plein volume. Alerté par ce tapage inhabituel, le voisinage à la police fait appel. Les plus susceptibles crieront au corbeau, mais l’accusation ne vaut qu’en période d’occupation. Face aux intrus, passant à l’offensive, les profs se croient beaux. Et braves. Sieg Heil ! lance l’un des bravaches. Le bras droit tendu. La tunique bleue insultée réclame sa carte d’identité à celui qui se la joue Apache. Ça sent le clash. Piqués, l’homme et son comparse optent pour le mépris de classe.
– De quel droit jouez-vous au potentat ? Disposez-vous d’un mandat ?
– Monsieur, votre salut constitue une infraction à la loi sur le racisme. Devant vos étudiants, vous manquez de civisme.
Car les deux scientifiques ont oublié le public en ligne, qui goûte les termes de l’algarade. Sentant l’aubaine, quelques-uns déjà enregistrent les tirades. Ne lâchant rien, les illustres membres de l’université congédient ensuite leurs policiers. Tout bon enseignant tirant profit des circonstances, ils poursuivent leurs activités pédagogiques sur le thème des dérives fascistes du confinement. Que retenir de ce propos inconsistant ? On peut imaginer qu’après une période de dégrisement – la hiérarchie a suspendu les deux résistants –, ils entendront l’échec de leur endoctrinement.
Morale : « Il existe une sorte d’homme toujours en avance sur ses excréments. » René Char, Feuillets d’Hypnos (1943-1944).