Fragments de Coimbra (21)

Fabrice Schurmans

dans un quadrilatère d’immeubles de huit étages

25/4 – Avril, le mois des bonnes révolutions. Dans l’immeuble opposé, un quatuor improvise Grândola, Vila Morena a capela. Il s’agit de marquer l’anniversaire de la Révolution des Œillets par temps de confinement. Les manifestations interdites, le Parlement en sourdine, il faut trouver d’autres moyens de commémorer la liberté retrouvée. À Lisbonne, un citoyen âgé défile seul, drapeau portugais imposant sur l’épaule. Il faisait partie de la principale colonne descendue sur la capitale lors du coup d’État. À Coimbra, c’est donc ce chœur qui rappelle au voisinage que la démocratie ne tombe jamais du ciel, qu’il s’agit d’un combat quotidien. Avec Bella Ciao, la chanson de José Afonso constitue un des symboles universels de la résistance à l’oppression. Après une première interprétation à 15 heures, les voisins mélomanes reprennent à 22 heures pour accompagner celles et ceux se réunissant sur leur balcon. Cela fait maintenant plus d’un mois que nous applaudissons tous les soirs. Avec plus ou moins d’intensité, mais avec constance. Applaudir et chanter ne changent pas un monde. Cela crée néanmoins des contacts, un point de départ. Descendrons-nous dans la rue pour défendre les secteurs de la Santé et de l’Éducation avec l’esprit d’avril ? L’État sortira-t-il plus fort face aux intérêts privés ? Connaitrons-nous les Trente glorieuses 2.0 ? Les compagnies aériennes, le rail retourneront-ils dans le giron de l’État ? Injectera-t-on de l’argent dans les entreprises privées ou octroiera-t-on un revenu universel à toutes et tous à partir de 18 ans ? « Utopique ! » rétorqueront les défenseurs du néolibéralisme. Pas plus que de penser la Démocratie sous le Portugal de Salazar, de prévoir un Système National de Santé ou l’accès à l’éducation pour toutes et tous en 1975. Autant d’utopies devenues réalités grâce à la Révolution des Œillets.

Grândola, vila morena

Terra da fraternidade

O povo é quem mais ordena

Dentro de ti, ó cidade