Fragments de Coimbra (7)

Fabrice Schurmans

dans un quadrilatère d’immeubles de huit étages

25/3 –    C’est la faute aux chauves-souris, aux pangolins, aux mangoustes et, bien sûr, aux Chinois qui happent tout ce qui passe à portée de bouche. Les Occidentaux s’exonèrent à bon compte dans cette histoire. La cause profonde de la pandémie réside dans la destruction des écosystèmes, en Chine comme ailleurs. Les animaux sauvages n’ont joué qu’un rôle mineur dans la tragédie. Porteurs sains de virus divers, ils se sont adaptés à l’environnement que l’homme a modifié pour son plus grand malheur. Le constat de Sonia Shah devrait nous inquiéter : « avec la déforestation, l’urbanisation et l’industrialisation effrénée, nous avons offert à ces microbes des moyens d’arriver jusqu’au corps humain et de s’adapter. » Certes, les Chinois croquent toutes sortes de bestiaux, achetés dans des marchés où la promiscuité a facilité le passage de la barrière entre les espèces. Avant de relayer les commentaires racistes pullulant sur la toile, observons un instant notre reflet dans ce beau miroir aux alouettes. Derrière les portes de nos élevages industriels, des millions d’animaux confinés s’engraissent, dont les déjections rendent impropres les nappes phréatiques. Nos futurs hamburgers colportent E. coli, une bactérie provoquant fièvre, diarrhée et problèmes rénaux. Quant à la grippe aviaire, elle a transité du canard sauvage aux poulets encagés auprès desquels elle a muté avant de s’aventurer chez l’homme. H5N1, ennemi sournois et invisible, se rappellera à notre bon souvenir avant peu. Ne blâmons pas (trop) le Chinois. Il pratique la barbarie sur les étals. L’Européen la pratique dans les abattoirs. Nous avons embarqué à bord du même navire il y a des dizaines d’années. Il nous est encore loisible d’en descendre.