Fragments de Coimbra, Portugal (3)

Fabrice Schurmans

dans un quadrilatère d’immeubles de huit étages

21/3 –    Il m’arrive de dresser l’inventaire des déchets accompagnant promenades et rêveries. L’exercice n’est guère plaisant, mais l’intérêt est ailleurs. Les bords de routes en disent long sur les habitudes d’une société : paquets de cigarettes, sacs, préservatifs, vestiges de malbouffe. Non loin de notre immeuble, situé dans une zone populaire, commence sans transition un quartier réservé à la haute bourgeoisie. Éparpillés à la limite entre ces deux zones, je découvre des rebuts inédits : une pochette en plastique souillée – Sanitary bag / Sac d’hygiène –, un gant bleu, un gant blanc, puis une paire, probablement jetée d’une voiture en marche. Plus loin, un masque de protection abandonné à quelques mètres d’une poubelle. Les médecins habitant dans le coin n’y sont pour rien. Ils se débarrassent de leur équipement à la sortie du champ de bataille. La route évoque un no man’s land avec, d’une part, l’humanité tassée dans ses tours, angoissée chaque fois qu’elle emprunte un ascenseur à cause du risque de contamination, et, d’autre part, au sommet de la colline, les vastes demeures exsudant une ascension sociale saine, aseptisée, pasteurisée. Pourquoi, diable, leurs habitants balancent-ils des reliquats potentiellement infectés de notre côté ? Le prochain qui évoque la malpropreté des humbles, des petits, des subalternes, je lui passe un savon.