Philippe Caza
J’ai volé la clé de la prison. On m’a arrêté pour vol. On m’a mis en prison. J’aimais bien mais je n’y suis pas resté : j’avais la clé. J’ai préféré m’enfermer chez moi.
Je mets de l’ordre. J’avais un tableau qui traînait, une peinture silencieuse. Je l’ai mis dans un cadre et je j’ai accroché au mur. Le cadre est resté accroché, le tableau est tombé. Je l’ai brûlé : un tableau qui ne tient pas au mur ne mérite pas de vivre.
Il y a des gens qui prient face à un mur et y insèrent des messages à leur dieu. Il y a des gens qui passent à travers les murs pour voir ce que font les voisins quand ils sont tout nus. Moi, c’est plutôt pour voir dans les murs : passer la tête dans le mur pour voir les poissons volants, entrer dans le plancher pour frayer avec les baleines, et plus bas, sous la chape de béton, discuter avec les squelettes enracinés.
Pour me changer les idées, de temps en temps, je regarde par le trou de la serrure.
Je vois un œil.
Ou bien je vais à la fenêtre, j’observe le parking. On a oublié un bébé dans la voiture en plein soleil. Il a explosé.
Au bout du parking, j’aperçois la dernière cabine téléphonique avant la fin du monde. Ma voisine obèse Clafounette Devisu s’y confine à grand peine. Depuis qu’on lui avait supprimé son téléphone portable pour cause de micro-ondes néfastes, elle vivait dans la cabine en question. Mais elle n’a pas d’attestation purgatoire sur elle – comment rentrer à la maison ? Les passants lui jettent des pièces (les petites pièces rouges de 1 ou 2 cts).