Episode un. Argent trop cher.
Iain Grey
Intermittent du spectacle, c’est raide, mais la banque est votre amie, elle vous le dit tous les jours après les gros concerts de l’été.
Vous prenez donc rendez-vous. Et, bêtement, vous y allez. Là, une furie sort de derrière son bureau, vos intime l’ordre de sortir de l’espace (mais de quel espace elle parle?) et vous certifie que vous n’avez pas pu obtenir un rendez-vous. Elle est tellement virulente et sûre d’elle que vous vous recroquevillez… Vous voyez ce tout petit homme dans la vitrine, alors la révolte gronde, comme votre estomac : mais si, mais si, j’ai eu un rendez-vous, ce matin à 9 heures. Je l’ai pris par internet. Ivre de la force que vous sentez revenir, vous ajoutez les mots qui doivent clore ce mauvais rêve : c’était pour un prêt.
Et en plus, c’était pour un prêt? Non, mais vous vous croyez où (dans une banque)? Vous pensez qu’on va vous accorder un prêt en ce moment (ben, c’est en ce moment que j’en ai besoin) ! Elle vous repousse de la voix à l’extérieur de l’agence.
Acculé sur le trottoir désert (heureusement : vous avez votre dignité, quand même) devant la banque, une illumination :
OK, pas de prêt, mais débloquer mon livret d’épargne (là, vous êtes certain de pointer l’arme absolue, vous êtes au bord du sourire : ce n’est pas leur argent que vous voulez, mais le vôtre!) ?
Non mais vous croyez que ça se fait comme ça ? Hors de question.
Vous insistez. La harpie rentre dans la banque et vous vous apprêtez à la suivre, mais elle vous arrête à nouveau, d’un comminatoire « Ne bougez pas, je reviens ».
Où irais-je ? Je contemple, les yeux vides, les rues vides.
Elle ressort, les yeux comme un lance-flamme.
Le directeur veut bien.
Quoi ?
Le directeur veut bien débloquer votre livret. Bien sûr, vous allez perdre les intérêts… Et puis il y a de la paperasse à faire
Soit, j’adore la paperasse. Et puis les intérêts… Allons-y.
Elle tend une liasse de feuilles mais me cloue sur place du regard. Je vois ses pupilles vaciller un instant. Comment me les passer sans contact ?
Je vous les pose là, par terre. Vous les remplissez et vous les glissez sous la porte. N’oubliez pas de signer partout où c’est demandé.
Presque soulagé, je demande quand les fonds pourront être débloqués.
Houlà ! Mais pas avant huit jours. Ouvrés.
Quoi ? Mais ça fait deux semaines! Et je mange comment, moi ?
Ecoutez, on gère des situations autrement plus urgentes que la vôtre… Et elle s’en va et verrouille la porte derrière elle.
Seul, sur le trottoir, je regarde toutes ces feuilles…